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myleneVoici un article écrit par Mylène Gilbert-Dumas, que je reproduis ici avec son aimable autorisation, et paru jeudi dernier sur son blogue : Une doyenne, une sorcière et un caniche. Elle y partage son expérience avec la maison d’édition La Courte Échelle.

 

« Mes aventures avec La courte échelle

 

 

Aujourd’hui, je devais vous parler des toilettes publiques à Tokyo (Oui, oui ! J’ai des choses à dire là-dessus pour vrai !). J’ai décidé de reporter ça à la semaine prochaine parce que j’ai lu cet article de La Presse de mercredi sur les déboires financiers de La Courte Échelle pis que j’ai envie de déchirer ma chemise sur mon blogue. Lecteurs, soyez avertis.

Sachez premièrement que je sais de quoi je parle. J’ai publié à La Courte Échelle de 2004 à 2009. Grâce à la confusion qui régnait déjà au sein de cette maison d’édition, la responsable a fini par me proposer, après quelques séances de négociation avec mon agent, une licence de 5 ans pour mon roman Mystique. On en demandait une de dix ans. Allez donc comprendre ! Je ne me suis pas opposée à cette offre, vous l’imaginez, mais je n’aurais jamais imaginé à quel point la vie venait de me faire un cadeau.

mystiqueDès le début c’est mal allé. Non seulement on ne m’a jamais demandé mon avis pour la couverture, mais j’ai vu mon roman pour la première fois dans une librairie. Je ne savais même pas quand il sortait ! Je vous laisse imaginer ma surprise quand j’ai lu, à la page 3, la biographie (la mienne !) qu’on avait écrite sans m’en parler.

On ne m’a pas davantage donné la quantité du premier tirage. Et puis un jour, j’ai réalisé que mon roman avait été réimprimé en comparant la couverture de deux exemplaires. J’ai téléphoné au bureau pour me faire répondre qu’on n’avisait jamais les auteurs quand il y avait des réimpressions. On n’avait pas que ça à faire, quand même !

Il m’était donc impossible de savoir combien de livres étaient en circulation. Impossible, aussi, de vérifier même au pif le contenu de mon relevé de droits d’auteur. Ce relevé, d’ailleurs, était tellement illisible que même mon agent, qui a un MBA, n’y comprenait rien. Et quand il a posé des questions concernant certaines colonnes de chiffres qui n’avaient aucune cohérence, la responsable lui a répondu de ne pas tenir compte de ces colonnes. Parfois, la vente d’un exemplaire me rapportait 1, 50 $. Parfois, 0, 25 $. La différence était importante, mais jamais justifiée.

Pas une fois pendant les cinq années que j’ai passées à La Courte Échelle je n’ai été payée à temps. Même que souvent, j’ai dû envoyer des lettres recommandées. Même que j’ai dû demander l’intervention de l’Uneq dont le président à l’époque publiait lui aussi à La Courte Échelle. Étrangement, pendant trois années consécutives, mes redevances s’élevaient au même montant. À la cenne près !

À force de chialer et d’envoyer des lettres, j’ai reçu des chèques postdatés de trois mois pour un montant de 1000 $. Mille dollars ! Même moi, qui travaillais à mon compte comme écrivaine, j’étais capable de faire un chèque de mille piastres sans avoir à le postdater !

Finalement, six mois avant la fin de la licence, j’ai envoyé à La Courte Échelle un avis de non-renouvellement de la licence, et on a mis un terme à notre relation d’affaires.

Je pensais sérieusement que c’était réglé et j’ai pris une entente avec Soulières éditeur. Mais voilà qu’au Salon du livre suivant, La Courte Échelle vendait encore des exemplaires de mon roman… sans me payer la moindre redevance. Il a fallu une mise en demeure pour que la balance des stocks soit pilonnée et que mon roman soit enfin libre de refaire sa vie ailleurs.

Pourquoi je vous raconte tout ça ? Parce que quand mon agent a appris la faillite de La Courte Échelle, son premier commentaire a été: «Wow ! Ça en a pris du temps !»

C’est vrai que La Courte Échelle est la maison d’édition qui a bercé d’histoires et d’images l’enfance de bien des Québécois. Sauf qu’il s’agissait d’une autre Courte Échelle parce que, dans ce temps-là, elle payait son monde.

Toutes mes pensées vont aux auteurs et aux illustrateurs pris dans le litige, ceux qui non seulement ne touchent pas leurs redevances, mais dont les livres sont, en plus, prisonniers de la faillite. Parce que ces auteurs ne possèdent pas les droits de leurs romans. Ces droits appartiendront à l’entreprise qui rachètera La Courte Échelle, avec sa dette.

Je pense tous les jours à vous, chers collègues, et je me dis, bien égoïstement, il est vrai, que je l’ai échappé belle. »

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Si la plupart des maisons d’édition sont dignes de confiance, certaines profitent de l’inexpérience des auteurs. Avant de signer un contrat, il est recommandé de le faire lire par un agent littéraire. Pour soumettre tout problème de contrat, veuillez cliquer ici.

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