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Bien des primo-romanciers ont hâte d’être publiés. Normal, me direz-vous. Oui, mais.

Mais la réécriture exige un temps de réflexion. On ne réécrit ni un roman, ni une nouvelle, ni un poème le temps de crier lapin. Faire l’économie de ce temps fait courir le risque soit de présenter un texte loin d’être achevé, soit de s’engager dans un cycle sans fin de révisions.

Mais présenter son œuvre à une (plusieurs) maison(s) d’édition exige un certain délai. Il y a bien sûr le temps nécessaire pour que la maison d’édition reçoive votre roman ou votre recueil, le temps aussi d’un survol ou d’une première lecture de votre œuvre parmi la pléthore de manuscrits reçus pour s’assurer qu’elle correspond à ce que la maison recherche ou pas, puis le temps de mise en lecture auprès d’un comité, le temps-même de la lecture et le temps de la décision. Cela ne s’arrête pas là : à partir du moment où votre manuscrit est entré dans la dimension temporelle de la maison d’édition, cela veut dire aussi qu’il est entré dans son rythme. Et par rythme, je veux parler des contraintes de temps internes à cette maison. S’il s’agit d’un refus, cela s’arrête là (ou plutôt, vous pouvez repartir en phase de réécriture avant une présentation à une autre maison). Si la maison d’édition est intéressée, se pose la question du calendrier de publication. Est-il encore ouvert ou est-il clos ? S’il est ouvert et que le positionnement de votre roman convient à la période encore libre du calendrier, alors vous pouvez obtenir un contrat de publication. S’il est fermé, on risque de retarder l’envoi du contrat de publication, la loi ne permettant pas à un éditeur de se réserver un roman ad vitam aeternam.

Mais cela ne s’arrête pas là. Il faut le temps de la négociation du contrat. Lorsque la maison d’édition et vous (ou votre agent) êtes tombés d’accord sur tous les articles qui le composent, vous allez certainement rencontrer votre éditeur et signer le fameux contrat.

Ce n’est pas fini. Le directeur littéraire (ou la directrice littéraire) peut vous demander d’apporter des changements à votre manuscrit ou/et à votre titre. Vous devez donc compter du temps pour sa lecture critique, du temps pour votre réécriture. Viennent ensuite les correcteurs, réviseurs, graphistes. Là aussi, il faut prévoir du temps pour les allers-retours et votre propre temps pour approuver ou confirmer certains changements (attention, ce laps de temps peut être encadré par un article du contrat). On va aussi vous présenter la couverture.

Est-ce que cela veut dire que votre livre est prêt à partir sur les tablettes des librairies ? Pas encore : il va falloir qu’il passe d’abord par la case « imprimerie », avec des délais que votre maison d’édition aura prévus dans son calendrier.
Comme idéalement votre maison d’édition passe par les services d’un diffuseur pour assurer la présence de ses livres (dont le vôtre) en librairie, elle va lui présenter votre bébé. Et idéalement, le représentant du diffuseur qui va proposer votre titre aux libraires va le parcourir ou le lire.

Bien sûr, il s’agit là d’un parcours simplifié. Pour être précis, il faudrait ajouter d’autres éléments, faire des boucles, etc. Mais cela vous donne une idée. Écrire n’a rien d’instantané, réécrire non plus, et être publié pas davantage. Parce que cela exige du temps, l’écrivain se doit d’être patient ET persévérant.

« Chaque fois que l’on m’interviewe, on me demande : « Quelle est la qualité la plus importante que doit posséder un romancier? » C’est tout à fait évident : le talent. (…)Si on me demande quelle est la deuxième qualité importante pour un romancier, je réponds sans hésitation : la concentration. (..) une véritable concentration permet de compenser un talent capricieux ou même insuffisant. (…) Après la concentration, la qualité la plus importante pour un romancier est la persévérance. »

— Haruki Murakami, Autoportrait de l’auteur en coureur de fond.

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