Les romanciers sont les coureurs de fond du monde littéraire. Il n’y a pas de sprint à travers un roman, du moins pas pour le romancier ; il y a tout simplement trop de personnages, trop de scènes, trop de lignes de l’histoire et des pages et des phrases à écrire et puis réécrites, révisées et peaufinées. L’endurance est essentielle pour achever la tâche. Pourtant, l’endurance n’est pas suffisante, loin de là. Parce que la lecture du roman est aussi une expérience de marathon, l’objectif principal de votre processus de révision devrait être de prendre soin de créer un rythme humain pour le lecteur, un rythme qui se précipite en alternant les avancées dans l’intrigue et les pauses selon le récit et les besoins du lecteur.
En tant que romancier, vous devez établir des stratégies concrètes pour vous soutenir dans ce travail de longue haleine et transformer votre premier jet en un écrit à toute épreuve. Voici quatre règles que vous pouvez utiliser pour vous assurer que vos lecteurs ne s’endorment pas, ne s’essoufflent ou tout simplement n’abandonnent pas avant d’avoir fini le dernier chapitre de votre chef-d’œuvre.
1. Écrire le tout premier jet rapidement.
Cette première règle consiste à résister à la tentation de réviser lorsque vous écrivez. C’est un exercice particulièrement difficile, en grande partie parce que cela signifie que vous devez vous pardonner pour écrire des textes horribles. Il n’y a pas moyen de contourner cela. La rapidité implique une orthographe bâclée, une syntaxe approximative, des fautes de grammaire. Tout dommage subi par votre ego d’écrivain, cependant, se consolera devant les avantages ainsi obtenus.
La vérité, c’est qu’un projet écrit rapidement produit un récit à la trajectoire propre. Pensez-y comme à une esquisse. Vos personnages peuvent rester à peine ébauchés à ce stade et vos intrigues secondaires inexplorées, mais en travaillant vite vous avez peu de choix, vous tracez la ligne de base de l’histoire. En conséquence, vous vous gardez des pistes alléchantes et des tangentes séduisantes qui peuvent faire échouer l’avancée de vos travaux. (Vous pouvez y revenir plus tard, lorsque votre tâche sera de corser l’intrigue et d’épaissir vos personnages, etc…)
Voici le point: une fois le premier jet achevé, vous aurez une bien meilleure idée de la structure de votre roman. Et vous n’aurez pas perdu votre temps dans l’écriture, la révision et l’affinage de scènes inutiles que vous auriez dû couper par la suite.
À quoi correspond cette vitesse rapide, vous demandez-vous? Cela dépend de l’écrivain. Si vous vous consacrez à l’écriture directe, sans ce regard critique que vous devez appliquer à la réécriture, vous serez étonné de voir en combien de temps, le projet sera terminé. Là, il sera temps de passer à la réécriture, en commençant par l’élément qui soutiendra vos lecteurs tout au long de leur propre marathon: l’action.
2. Évaluer la fonction DRAMATIQUE DE CHAQUE SCÈNE OU UNITÉ D’ACTION.
Les lecteurs peuvent dire si un passage ne parvient pas à faire avancer l’histoire. Si c’est le cas, ils commencent à râler, ou pire, ils abandonnent le livre. Par conséquent, la meilleure façon de commencer la révision est de commencer à relire votre premier jet et de vous poser cette question essentielle à l’ouverture de chaque chapitre ou de la scène: Qu’est-ce qui se passe exactement ici, et comment cela surprend-t-il mon personnage ou comment cela offre-t-il une nouvelle perception au lecteur? Assurez-vous que chaque incident dramatique, quel qu’il soit, un combat, une conversation ou simplement un moment de silence apporte quelque chose à l’histoire. Lorsque vous trouvez des scènes pour lesquelles ce n’est pas le cas, vous avez les premières cibles de votre révision.
Les scènes n’ont pas à être très dramatiques pour être efficaces. Pourtant, il est important que vous les examiniez une par une, et que vous soyez satisfait quand chacune approfondit l’intérêt de vos lecteurs pour l’histoire et les incite à tourner la page.
A défaut de ce test, les scènes doivent être coupées ou retravaillées jusqu’à ce qu’elles passent le test.
3. IDENTIFIER les accalmies dans l’ACTION pour insérer de MINI-SCÈNES.
Au fur et à mesure que le roman avance, alternent les modes de scène et de synthèse. Les scènes, bien sûr, dépeignent des moments de décision et de grande émotion, des moments-charnières qui exigent une mise en scène spectaculaire complète, avec des descriptions, un dialogue, de l’action. Mais périodiquement, les accalmies entre les épisodes dramatiques doivent permettre aux histoires des personnages et à la complexité des relations d’être pris en compte. Les résumés et les exposés sont un mal nécessaire. (Ah ! ces passages denses, sans espace blanc pour reposer l’oeil!)
Une façon d’aider votre lecteur à persévérer dans des phases où le rythme ralentit un peu est de relever les passages avec un peu d’action, avec des mini-scènes.
Soyez sur le qui-vive dans votre propre travail et plus particulièrement pour les longs paragraphes qui constituent la trame de fond, la description physique et l’analyse du personnage. Les informations contenues dans ces passages peuvent être nécessaires, mais si vous ne saupoudrez pas le tout de mémorables et pittoresques éléments, de bribes de dialogue, etc… vos lecteurs pourraient perdre patience.
4. VARIEZ les méthodes pour commencer vos chapitres.
Les fins de chapitre et autres pauses permettent aux lecteurs de reprendre leur souffle, réfléchir à ce qu’ils ont lu et anticiper ce qui pourrait arriver. Au moment de la révision, ne manquez pas l’occasion de tous les examiner et assurez-vous que vous offrez une variété de coups d’envoi de nature à piquer la curiosité de vos lecteurs. Parfois, vous aurez envie de leur donner ce qu’ils attendent, mais un bon romancier se tient à la frontière entre conforter ses lecteurs et les rendre fous, alors que d’autres fois il est préférable de les effrayer.
La méthode la plus courante pour commencer un chapitre est de prendre le lecteur par la main, et délicatement le guider dans la section suivante de l’histoire en positionnant un personnage dans le temps, ce qui crée instantanément une situation dramatique. Cette stratégie n’a rien d’extraordinaire, mais elle a fait ses preuves.
Une autre méthode esquisse une période de temps, ce qui permet de placer les évènements dans leur contexte en évoquant l’atmosphère et le personnage principal. Utilisez cette stratégie lorsque votre roman appelle à un moment de réflexion ; cela nécessite une trame de fond ou éventuellement de faire un saut chronologique.
D’autres fois, à la suite de chapitres qui se évoluent à un rythme tranquille, vous ressentirez le besoin de faire bouger les choses, de mélanger un peu les lecteurs. En d’autres termes, augmentez la vitesse d’un cran ou deux.
Enfin, une manière intelligente d’ouvrir un chapitre est d’offrir une observation lapidaire qui influe directement sur le déroulement des événements.
Par exemple ce joyau de Léon Tolstoï, à l’ouverture d’Anna Karénine:
« Les familles heureuses se ressemblent toutes; chaque famille malheureuse est malheureuse à sa manière ».
N’oubliez pas que chaque nouveau chapitre offre la possibilité de réintroduire votre histoire et de réorienter vos lecteurs dans le monde de votre roman. Donc, lorsque vous en êtes à l’étape de la révision, soyez stratégique avec vos ouvertures de chapitre. Parce que vous vous serez donné à nouveau la chance d’accrocher encore et encore vos lecteurs, vos efforts vous permettront de ne pas compter sur leur complaisance.
S’agit-il de stratégies que vous pourriez employer pendant que vous écrivez le premier jet? Je ne le pense pas. Ce n’est que lorsque vous pourrez prendre du recul et regarder ce projet comme un tout cohérent que vous serez en mesure d’appliquer ces règles de manière efficace et donner à votre manuscrit la révision nécessaire.
Rédiger et réviser un roman implique un travail acharné, des fois des mois ou des années, autant de raisons de garder les besoins de vos lecteurs en tête lorsque vous travaillez.